L'or noir de nos sacs jaunes intéresse les industriels. Dans une partie de l'Anjou, le marché était tenu par Paprec. Mais Veolia montre un nez de plus en plus insistant.
La polémique
Très chères ordures ménagères... On a beau trier : le coût du traitement de nos déchets pèse sur les collectivités et, par ricochet, sur nos impôts. Pas facile, par exemple, de traiter tout ce que nous mettons dans nos sacs ou poubelles jaunes. Qui doit s'en occuper ?
Une entreprise privée, comme c'est déjà le cas dans une partie du Maine-et-Loire ? Ou les collectivités locales doivent-elles reprendre la main ?
C'est la question qui se pose pour les déchets du tri sélectif d'Angers Loire métropole, mais aussi de l'est du département et du Segréen. Jusqu'à présent, les contenus de ces poubelles jaunes étaient envoyés dans l'usine Paprec, à Seiches-sur-le-Loir (lire ci-dessous). Mais voilà, les élus ont décidé de construire eux-mêmes leur propre centre de tri. Au grand dam de Paprec.
Le feuilleton Biopole
En filigrane, il y a l'histoire, le feuilleton Biopole. Ce centre de tri mécano-biologique, construit aux portes d'Angers, a fermé en 2015. Angers Loire métropole, la communauté urbaine d'Angers, s'est retrouvé avec un outil de 66 millions d'euros sur les bras, qu'il lui fallait transformer.
Paprec s'est alors positionné. « Nous avons contacté Angers Loire métropole après la fermeture de Biopole », affirme Thierry Sellier, directeur régional. En soumettant plusieurs idées pour réutiliser le site. Et en allant même jusqu'à proposer d'acheter l'usine.
Le groupe n'a pas été retenu. Car les élus angevins ont d'autres idées pour le site. Comme celle d'y installer un... centre de tri qui serait construit avec leurs collègues du Saumurois et du Segréen. Ceux-ci ne sont pas forcément d'accord sur le lieu.
Au moins trois communes se trouvent donc en compétition : Angers, Lasse (où est installée l'usine d'incinération d'ordures ménagères gérée par Veolia) et... Seiches-sur-le-Loir. C'est-à-dire à côté de Paprec.
La décision devrait se prendre fin mars, début avril. Si Angers n'est pas choisi, il n'est pas certain que l'agglomération accepte de continuer la partie avec ses confrères du reste du département. « Nous pouvons y aller seuls », affirme Joël Bigot, actuel vice-président d'Angers Loire métropole en charge des déchets.
En revanche, le Sivert et le Segréen n'ont pas assez de tonnages d'ordures pour construire seuls ce centre.
« L'omniprésence » de Veolia
Pourquoi les collectivités veulent-elles reprendre la main ? « Nous voulons garder la maîtrise des coûts », répond Joël Bigot. Les élus calculent qu'ils peuvent s'assurer d'un coût fixe s'ils gèrent eux-même, via un opérateur, leur centre de tri. Estimé à 16,4 millions d'euros. Le prix moyen pour ce genre d'équipement est de 17 millions d'euros.
Quel opérateur sera choisi ? Un appel d'offres sera lancé. Mais ils ne sont pas très nombreux à pouvoir y répondre : Vinci, Veolia, Urbaterre...
Après la fermeture de Biopole, le groupe Veolia s'est installé sur une partie du site, via sa filiale Grandjouan Saco, pour traiter les biodéchets venant de collectivités. Mais aussi stocker 10 000 tonnes de déchets industriels. « Un marché de gré à gré, sans appel d'offres », regrette Gilles Mahé, ancien élu en charge des déchets à l'agglo d'Angers.
D'où une certaine colère des dirigeants de Paprec. Qui ont vu un autre marché leur échapper au profit de Veolia quand Biopole a fermé : le traitement des ordures ménagères classiques (non recyclables). Au lieu d'être scindé en plusieurs lots, comme c'est normalement le cas, ce marché avait été lancé en un seul. Seul Veolia a pu se positionner.
« Avoir un seul gros opérateur nous permettait d'avoir un prix plus intéressant », commente Joël Bigot. Il n'empêche : « l'omniprésence de Veolia » sur le secteur commence à inquiéter certains élus, comme Gilles Mahé. Car c'est encore Veolia qui retraite tous les déchets électroniques.
Et demain ? L'usine de Seiches-sur-le-Loir, moderne et adaptée, « tourne bien », confirment plusieurs maires. Si un autre centre de tri s'installe à proximité, elle risque de fermer et ses 51 salariés de se retrouver sur le carreau.
D'autant que Paprec craint de voir encore Veolia obtenir la construction du centre de tri. Joël Bigot se veut rassurant : « Un appel d'offres sera lancé. Le groupe Paprec pourra se positionner. »
En déplacement à Las Vegas pour le Consumer electronic show, Christophe Béchu, président d'Angers Loire métropole, n'a pas pu être joint hier."