27 Février 2018
Ce n’était pas un héros, c’était un cheminot comme les autres. Comme ces centaines de milliers de cheminots qui depuis plus de 80 ans assurent le service public de la SNCF pour les clients.
Encore maintenant, par tous temps, sous le soleil ou la pluie, par le froid et la neige, sous des chaleurs étouffantes, sur le terrain ou dans les bureaux, les cheminots sont là.
Alors que le bruit des ordonnances Macron qui se profilent tente de faire des cheminots des privilégiés, des nantis, des fainéants, il est temps de rappeler que même en temps de guerre, ils étaient là. Ils n’ont pas abandonné leur poste, sauf sur ordre. La plupart ont agi pour les Français fuyant les combats. Et nombreux seront ceux qui rejoindront la Résistance.
Quand j’ai découvert ce texte, j’ai eu des frissons dans le dos. Mon grand-père y retranscrit son mois de travail à la SNCF en juin 1940 et l’évacuation d’un train de réfugiés vers le sud.
Ce n’était pas un héros, la plupart ont agi avec le même courage.
Les cheminots sont restés les mêmes. Fidèles à l'esprit du service public, ils assurent au quotidien leur mission et supportent de moins en moins la suspicion et le mépris de l'Etat.
Rappel historique : 10 mai 1940 : l’Allemagne nazie lance l’offensive par la Belgique à coup de Blitzkrieg. 11 juin 1940 Paris est déclarée ville ouverte.
« Annexe P 11 12 juin 1940
Drouin FF Le Raincy Evacuation
Détaché à Gretz du 13 au 14
Départ de Gretz le 14 à 11h direction de Melun, arrivée à Melun 13h30. Mise à disposition du chef
Commandé pour desservir un train commercial évacuation de Melun à Clermont Ferrand.
Départ de Melun à 19h55 le 14 = 2e train d’un convoi de 3.
Montereau 21h30 / 22h manœuvre exploration voie prise eau (gare abandonnée pas d’agents)
Sens 4h30 / 5h15 (gare bombardée à 4h10, exploration voies et aiguilles (aucun agent en gare à 7h50 en pleine voie proximité Joigny, train mitraillé, tender machine percé, pas d’organe essentiel touché, mécanicien 3e train blessé, évacué
Joigny 8h20 / 9h exploration voie attente 3e train ayant machine avariée (gare évacuée pas d’agents
Laroche 9h40 10h30 essai garage du train pour aide remorque 3e train ayant machine avariée manœuvre impossible, transmissions aiguilles coupées, (gare évacuée pas d’agents continuation sur Auxerre
Auxerre arrivée 11h30 manque de combustible et eau à la machine, premier train du convoi arrêté en gare machine avariée, gare évacuée, un fx présent.
Demande à Clamecy dépôt 3 machines pour remorquer le 3e train
12h10 bombardement aérien communication téléphoniques coupées, voie soufflée, tête quai côté Clamecy, attente des machines demandées, ne sont pas arrivées, de 14 à 18h, déchargement du colis du train de tête pour évacuation blessés du bombardement (aide d’un détachement du 373e RAVLF) transbordement des évacués du 3e train dans le premier, ravitaillement de la machine en combustible et eau à la chaine, train prêt à 18h. Départ 18h05.
Machines demandées à Clamecy non parvenues à 18h30 départ à bicyclette en suivant la voie direction machines attendues, arrêté à environ 1km500 de Clamecy par troupes motorisées allemandes. Le 16 juin à 4h30 refoulé sur Surgy et Oissy. Arrivée à 11h30.
Oisy Soirée du 16 et 17 attente libre circulation sur route
18 juin étape à bicyclette Oissy à Bonny s Loire
19 juin " " " Bonny à Dammarie, campé dans un champ de 9h le 19 à 2h30 le 20 interdiction de circulation
Le 20 juin Etape à bicyclette de Dammarie à Nevoy (arrêté à Gien pour vérification de 11h à 15 heures
Le 21 et 22 attente à Nevoy libre circulation sur route
Le 23 Etape à bicyclette de Nevoy à Bagneaux près Nemours
Le 24 " " " de Bagneux à Gretz arrivée à15 h disposition de la gare
Le 25 service 8h 20h
Le 26 service 4h / 12h
Le 27 Etape à pied Gretz Le Raincy arrivée à 19h30 35 km »
Nous ne sommes plus en temps de guerre, espérons-le pour longtemps encore.
Les métiers ont changé, les locomotives à vapeur ont été remplacées par les TGV. Comme dans le reste de l’économie, la part du travail de col blanc a progressé.
Les cheminots, de privilégiés ?
Pour autant, les cheminots sont-ils devenus des privilégiés, des nantis, des fainéants ?
On reçoit encore des hoax sur les cheminots qui percevraient une prime de charbon ou une prime de chaussure, ou sur des salaires ahurissants de conducteurs de TGV.
Ces fake news sont souvent relayées par des gens qui ne travaillent, ni les week-end, ni en horaires décalés, ni de nuit
D’ailleurs, si conducteur de TGV était tant un travail de « nanti », il y aurait certainement beaucoup plus de candidats…
Un service public de qualité
On l’a vu il y a à peine un mois dans le Maine-et-Loire, alors que la préfecture avait interdit la circulation de toutes les lignes d’Anjoubus sur le département pour quelques centimètres de neige, les trains continuaient à circuler.
Certes, les TGV étaient parfois ralentis pour préserver la sécurité, des trains étaient retardés pour le déblaiement des voies, des dysfonctionnements ont eu lieu dans certaines gares, mais à chaque instant, des agents SNCF étaient là pour assurer le transport, réparer le matériel, dégeler les aiguillages, renseigner les voyageurs, déblayer les voies, sans compter leurs heures… Ils poursuivent avec la même abnégation la défense d’un service public de qualité
Pour une desserte équitable et équilibrée des territoires
25 minutes en train pour faire les 60 km entre Angers et Saumur ;
50 minutes en autocar pour faire les 40 km entre Angers et Segré.
Alors que la distance moyenne parcourue en 1950 pour se rendre au travail était de 5 km aller-retour, elle est désormais de 45 km. Les emplois sont principalement concentrés dans les grands pôles urbains, et les aires urbaines, là où habitent les rurbains, s’étendent sur 30 à 50 km autour des grandes villes.
La rapidité d’accès en transport en commun à son lieu de travail est une des conditions du développement économique des territoires. L’accès routier est important mais non suffisant.
La préservation des lignes existantes et la construction de lignes supplémentaires est l’une des conditions pour permettre un développement équilibré du territoire national.
Comment croire que les orientations qui seront prises par ordonnances, c’est-à-dire sans concertation avec les acteurs de terrain, sans consultation des experts, permettront de construire un réseau ferroviaire de qualité et efficace.
On ne peut qu’en douter…